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C’est dans sa résidence cossue de Yenn que nous sommes allés trouver Me Mbaye Jacques, ancien député-maire de la vieille ville de Rufisque et ancien président du Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales (Craes). L’un des plus anciens de la scène politique sénégalaise a accepté de nous recevoir et de s’entretenir avec nous des questions de l’heure, en promettant même de nous en jeter de croustillantes dans les jours à venir. Le vieux lion de Rufisque, celui-là même qui faisait perdre son sommeil au défunt Jean Collin, qui a initié une fronde dans l’entre-deux-tours contre Diouf, alors secrétaire général du parti au pouvoir, son parti, et qui a grandement contribué à sa défaite en 2000, qui a été encadré par Senghor au sein des jeunesses socialistes, qui a grand acteur du Mouvement des porteurs de pancartes, s’est livré à nous sans détours. Entretien.
Les élections présidentielles du 25 mars ont consacré la victoire de Macky Sall devant le candidat de votre coalition, le président sortant, Abdoulaye Wade. Comment expliquez-vous cette défaite que d’aucuns assimilent à une débâcle ?
Moi, je suis de ceux qui pensent que le Parti démocratique sénégalais (Pds), né en 1974 dans les conditions que mes contemporains connaissent, un parti de contribution. Or, jusqu’en 2000, le Pds n’a jamais pu dépasser la barre des 25% de l’électorat. 1978 a la première bataille électorale du Pds, avec les législatives et la présidentielle. Le plus gros score du Pds a été d’ailleurs fait en 1978, avec l’euphorie qui a accompagné la participation d’un nouveau parti à des joutes électorales. Ce n’est qu’en 2000 avec, en plus du poids électoral du Pds, la coalition des partis de gauche, dont on sait chacun d’entre eux ne dépasse pas 1% de l’électorat, autour de Wade, que le Pds a pu avoir 31% au premier tour. Nous sommes venus, moi, avec mon électorat de député-maire de la vieille ville de Rufisque, Moustapha Niasse avec ses 17% (N.d.r. : le score de l’alliance des Forces de Progrès lors du premier tour en 2000). Je vous rappelle qu’en 2000, Rufisque a battu le record de participation sur l’étendue du territoire national et, à titre indicatif, sachez que dans mon bureau de vote de l’école Merina 3, Wade a recueilli au second tour 402 ou 404 voix contre 9 seulement pour Diouf ; ce qui dénote de l’engouement que mon adhésion au Fal (N.d.r. : forces alliées pour l’alternance) avait suscité dans ma ville. Après l’alternance, le Pds, qui n’était pas bien implanté dans le pays, notamment Idrissa Seck, qui en était alors le numéro 2, a commencé un travail de débauchage, ce qu’on a appelé la transhumance. Fort heureusement, nous avions voté au Ppc pour Wade au second tour, faisant ainsi preuve d’une témérité politique dont on ne pouvait pas dire qu’elle était la chose la mieux partagée dans le landerneau politique. De 2000 à 2007, notamment à partir de 2004, les Sénégalais ont vu Wade commencer à réaliser quelque chose et l’ont reconduit en 2007. Mais de 2007 à 2012, certainement en raison de l’usure grisante du pouvoir, on a assisté à une décadence de la démocratie et de l’Etat de droit, comme jamais auparavant dans notre pays. Qui pis est, il y a eu aussi l’épisode Wade père et Wade fils, ce qu’on a appelé la tentative de dévolution monarchique du pouvoir, qui n’était pas simplement une vue de l’esprit. Tout cela, à mon sens, a précipité la défaite de Wade. Sans compter que d’éminents responsables du Pds n’arrêtaient point de se payer de mots, estimant par exemple que durant nos manifestations, il y avait parfois 2 millions de personnes, une hérésie. Personnellement, j’ai participé au second tour de la présidentielle de 2012, mais j’étais depuis longtemps écarté des processus décisionnels, alors qu’au Pds, j’étais le seul parti fusionnant (N.d.r. : son parti, le Ppc, avait fusionné avec le Pds de Wade au lendemain des législatives de 2001) présent à l’Assemblée nationale grâce à nos voix. Ce n’est qu’au second tour de 2012, alors que le vent commençait à tourner, qu’on a voulu m’associer à ce qui se faisait. Mais c’était déjà trop tard.
Wade se comportait comme un chef de canton
Pourtant, il semblait que vous ayez une certaine proximité due, peut-être, au fait que vous êtes à peu près de la même génération… (il coupe)
Il a eu pour moi un peu de respect, de considération en raison de mon ancienneté dans l’action militante, mon parcours politique. C’est ainsi qu’il évoquait souvent avec moi les porteurs de pancartes (N.d.r. : ces militants de l’indépendance qui ont brandi au nez du général De Gaulle leur préférence pour l’indépendance immédiate du Sénégal lors de la venue de ce dernier à Dakar en 1958). Mais en même temps, Wade est un personnage complexe, rebelle et têtu par tempérament. Il croit toujours avoir raison et jamais tort. Et, contrairement à Senghor (N.d.r : le premier président du Sénégal indépendant), qui avait le sens du « nawlé », un terme presque intraduisible en français, c’est-à-dire qu’il partageait avec ses camarades de parti une dignité égalitaire. Il n’était pas un chef de canton, comme je l’ai souvent dit à propos de Wade, il était sur le même pied d’égalité avec tous ses camarades de parti. Senghor était un démocrate qui, à plusieurs reprises, a été mis en minorité dans son propre parti sans qu’il ne s’en offusque outre mesure.
En 2000, vous avez quitté le Parti socialiste (Ps), au pouvoir, il est vrai dans l’entre-deux-tours, pour le Pds, et en 2012 vous quittez ce parti après sa défaite. Ne craignez-vous le renom de pouvoiriste ?
Ah non, non ! Aujourd’hui que nous avons cessé notre compagnonnage avec le Pds, mais nous ne sommes pas pour autant de la nouvelle majorité présidentielle. Nous sommes un parti autonome, qui compte garder son indépendance et sa liberté de ton, son devoir citoyen de critique de la marche du pays. Relisez le communiqué de notre parti dans lequel il est réaffirmé que nous n’avons « comme phare et comme objectif que l’intérêt supérieur de la nation ». Nous pensons qu’en dépit de l’alternance politique du 25 mars dernier, la deuxième dans l’histoire politique de notre jeune nation, il reste encore beaucoup à faire, surtout au regard de ceux qui sont dans la nouvelle équipe dirigeante. En effet, il va de soi que ceux qui sont là ont cheminé avec Senghor, avec Diouf et Wade, en sorte qu’on a l’impression que seule la dénomination a changé, mais qu’il n’y a pas de rupture en profondeur. Le nouveau président Macky Sall lui-même est un pur produit de Wade… En 2000, il a fallu beaucoup de témérité politique pour quitter le Ps, créer un parti qui, en seulement 9 mois d’existence, a pu glaner 30 000 voix et être représenté à l’Assemblée nationale. La situation en 2012 est totalement différente de celle de 2000. Nous sommes sortis du Pds parce qu’il était temps et nous avions averti en son temps. C’est l’occasion pour nous de reprendre notre parti, retrouver notre liberté de ton, d’expression et d’action. Je tiens à vous dire que Mbaye Jacques Diop ne cherche pas le pouvoir, mais plutôt à contribuer à la marche de son pays en donnant son point de vue que ni Senghor, ni Diouf, ni même Wade n’ont pu me priver. Je suis quand même le seul, je dis bien le seul, aujourd’hui, dans ce pays à me réclamer d’un parcours soixantenaire. Quand on un tel parcours, on ne peut plus être un demandeur de pouvoir. J’ai le droit et le devoir de servir mon pays, et par ricochet, ma ville natale, Rufisque. Comme nous l’avons dit dans le communiqué cité ci-dessus, dans notre compagnonnage, « nous réclamons notre indépendance d’esprit, en tant que parti, en nous imposant l’obligation de critique, comme de soutien, à chaque que de besoin ». Nous nous sommes réunis il y a deux jours, et compte tenu du délai très court, nous avons décidé de ne pas présenter de liste pour les prochaines législatives du 1er juillet. Mais, le moment venu, nous nous réservons le droit de donner une consigne de vote. Mais nous nous préparons résolument pour les prochaines joutes électorales, notamment les locales de 2014.
« Je connais bien Ngouda Kane (…) Je suis mille fois plus honnête que lui »
Parlons maintenant de ce qui a défrayé l’actualité ces derniers jours, le fameux dossier que la Commission d’Etudes et de Traitement des Informations financières (Centif) aurait dressé sur votre gestion au Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales (Craes). On parle même d’un soupçon de blanchiment d’argent. Qu’en est-il réellement ?
C’est là où la presse peut faire des dégâts. Quand j’ai lu les commentaires de blogueurs et de forumistes anonymes et méchants sur la toile à propos de cette histoire du Centif, je me demande comment ces gens font pour traiter d’honnêtes citoyens de voleurs. Quand je pense que, moi, j’ai été élu pour la première fois en 1954 à Louga Secrétaire à l’Organisation, étant de fait le plus jeune membre de bureau politique, il y a donc 58 ans, maire de Rufisque pendant 17 ans, battant ainsi le record de Maurice Guèye (N.d.r. : ancien maire de Rufisque du temps de la colonisation) à une fonction élective, avec 3 missions de l’Inspection générale d’Etat, alors même que j’étais membre du parti au pouvoir, alors je dis que personne parmi les hommes politiques ne peut me donner de leçon de morale et d’éthique dans ce pays. Et je ne le permettrais à personne. Je suis né et ai grandi à Rufisque. J’ai travaillé très jeune et gagné ma vie dignement. Je connais tous les hommes politiques de ce pays, d’hier et d’aujourd’hui. Je les respecte tous parce que c’est mon devoir d’aîné. Mais je ne permettrais à aucun d’entre eux, de près ou de loin, de me donner des leçons de morale ou d’honnêteté, intellectuelle ou autre. Très jeune, j’ai participé à la construction démocratique de ce pays. Je n’ai jamais détourné un centime, encore moins « blanchi » de l’argent. C’est un dossier qu’il faut clore, c’est un dossier surréaliste (N.d.r. : il commence visiblement à s’énerver et ne s’en cache même pas). Je ne connais pas la Centif, elle ne m’a jamais parlé, jamais auditionné, jamais écrit… mais je connais bien son ancien directeur, Ngouda Kane, qui a été mon receveur municipal à la mairie de Rufisque en tant que fonctionnaire de l’Etat détaché dans la collectivité de la ville, comme je l’ai dit lors de la conférence de presse que j’ai tenue dernièrement à la salle des fêtes de la ville sur cette affaire. Je le connais bien, il n’est pas plus honnête que moi, bien au contraire. Et j’ai dit que s’il a fait un rapport sur moi ou contre moi, dit-on, parlant de blanchiment d’argent, je porterais immédiatement plainte contre lui pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles. Je le connais bien, je suis mille fois plus honnête que lui. J’ai été élu tout jeune au conseil municipal de Rufisque en 1960, quand nos anciens, Gabin, Baffa Gaye, Thianar Ndoye, etc., étaient nos modèles, alors que de plus âgés que moi se bousculaient à la porte du conseil. Ce sont ces gens que j’ai cités qui m’ont moulu, en sorte que j’ai été toujours proche des populations qui me le rendaient bien en m’élisant sur des décennies, en particulier pendant 23 ans de députation. . Je me suis toujours battu pour le bien-être des populations, en particulier celles de Rufisque… J’ai demandé au procureur de la République d’ouvrir une enquête, de m’entendre, si cela était avéré. Si ce n’est pas vrai, qu’on y mette un terme et qu’on me foute la paix. Je suis et je reste un combattant de la cause du peuple, et 60 années de lutte n’ont en rien entamé ma combativité.
Propos recueillis par Babacar Guèye (avec Li Khew)
30 Commentaires
Boye Sérère
En Mai, 2012 (15:23 PM)Rufisquois
En Mai, 2012 (15:31 PM)Tre
En Mai, 2012 (15:31 PM)Lyns
En Mai, 2012 (15:49 PM)Bégué
En Mai, 2012 (16:00 PM)Anta
En Mai, 2012 (16:02 PM)MAIS MAITRE VOUS AVEZ 2 POINTS QUI NE MILITENT PAS A VOTRE FAVEUR :
1- VOUS ETES POLITICIEN
2-VOUS ETES AVOCAT
C'EST SUFFISANT POUR RECEVOIR.....DES LECONS DE MORALE ET D'HONNETETE!!!!!!
Il A Meme Pas Honte
En Mai, 2012 (16:12 PM)A
En Mai, 2012 (16:12 PM)Diop
En Mai, 2012 (16:16 PM)Lam
En Mai, 2012 (16:18 PM)Kalénga
En Mai, 2012 (16:23 PM)Sokho
En Mai, 2012 (16:25 PM)Deug
En Mai, 2012 (16:34 PM)Karatéka
En Mai, 2012 (16:38 PM)Code Pin
En Mai, 2012 (16:41 PM)Yatt
En Mai, 2012 (16:47 PM)C'est outrageusement solide pour l’âge et bien mobile sur tous les types de terrains politiques (socialiste, libéral, communiste, centriste, populiste, religieux, prédateur, inidentifiable....). Et, en plus, même pas un seul cheveu blanc! Peut-être même les poils ! Qui sait ?
Mais attention on est actuellement en terrain de "TANN" avec ses pièges...
Chapeau la veulerie ! Chapeau la fourberie ! Chapeau l'injure au sens de l'honneur !
Repugnant
En Mai, 2012 (17:06 PM)Le Peuple Senegalais
En Mai, 2012 (17:16 PM)Petitpape
En Mai, 2012 (17:27 PM)Femmes mures envie de sex à gogo retrouve moi sur skype : baiseur-gratuit
Satisfactions 100%
Yeet
En Mai, 2012 (17:29 PM)Mandala
En Mai, 2012 (20:12 PM)tu mérites la peine de mort vieux menteur
Pipo
En Mai, 2012 (20:22 PM)Lebouhdoyedieumbeu
En Mai, 2012 (21:09 PM)Ngorboop
En Mai, 2012 (01:11 AM)Bene Ndiol
En Mai, 2012 (01:47 AM)Ss Hypoc
En Mai, 2012 (07:27 AM)Le Vrai
En Mai, 2012 (07:29 AM)Niadiar
En Mai, 2012 (08:17 AM)une preuve , une seule preuve suffit à démontrer que tu es amoral sur toute la ligne , et dans tous les domaines :
quand on a de la morale on ne trompe pas , or faire du niouleul c'est tromper ! CQFD
Ami De Mbaye J Diop
En Mai, 2012 (08:37 AM)Mandou
En Mai, 2012 (18:20 PM)Participer à la Discussion