DAKAR (AP) - Poète et homme d'Etat, Léopold Sédar Senghor aurait eu 100 ans lundi. Le chantre de la négritude avait été le premier président du Sénégal après l'indépendance en 1960, mais aussi le premier chef d'Etat africain à quitter volontairement le pouvoir, en 1980. Cinq ans après sa mort, il est célébré en son pays mais aussi dans toute la Francophonie, dont il avait été l'un des fondateurs.
Les élèves du Sénégal et d'ailleurs continuent d'apprendre les poèmes de Léopold Sédar Senghor.
"Il nous a donné les concepts pour nommer notre culture africaine", souligne Amadou Ly, professeur de littérature à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. D'après lui, le poète a aidé les Africains à s'emparer de thèmes comme le respect de la nature et la fierté des peaux noires. Ces idées, qui peuvent sembler simplistes aujourd'hui, ont permis à l'Afrique francophone de se distancier de l'Occident.
L'influence de Senghor ne se borne pas au champ culturel.
Cinq ans après sa mort, les hommes politiques africains continuent d'invoquer son héritage, que ce soit pour renforcer l'Union africaine ou pour établir des partenariats économiques entre pays.
Sur le plan politique, Senghor reste une icône. "Il y a une grande concurrence maintenant entre les partis sénégalais pour se revendiquer de Senghor. Ils veulent tous être associés à son image", commente Ibrahima Tioub, professeur d'histoire contemporaine à l'université Cheikh Anta Diop.
Senghor a été "un modèle pour les présidents du continent en montrant que quitter le pouvoir pouvait conduire à plus de respect, plutôt qu'à moins de respect", relève Marcartan Humphreys, un professeur à l'université new-yorkaise de Columbia spécialiste de l'Afrique de l'Ouest.
Cependant, au Sénégal, certains semblent s'être bien détachés de cette figure historique. "Nous l'avons complètement oublié! Nous avons dépassé ça", assure Sadieubou Mbaye, un étudiant de 27 ans qui recueille des signatures pour soutenir des candidats indépendants en vue de la prochaine présidentielle. "Que l'Afrique soit dirigée par un poète ou un économiste, ça ne change rien. Il faut simplement la confiance du peuple".
D'autres reprochent à Senghor les liens très forts qu'il a entretenus avec la France. Né à Joal (Sénégal) le 9 octobre 1906, Léopold Sédar Senghor a fait ses études à la Sorbonne et a enseigné en métropole. Elu député (socialiste) du Sénégal en 1945, il a été membre du gouvernement français dans les années 1950 avant de devenir le premier président du Sénégal le 5 septembre 1960. Réélu en 1963, 1968, 1973 et 1978, il démissionne le 31 décembre 1980. Trois ans plus tard, une autre élection, à l'Académie française cette fois, le rend Immortel. Sous la coupole de l'Institut, à Paris, il défendra la langue de Molière, jusqu'à son décès le 20 décembre 2001 à Verson, près de Caen (Calvados).
Senghor a même tissé des liens matrimoniaux avec l'ancienne métropole. "Il chante la 'Femme noire' mais il épouse une Française", lui reproche Oumar Sankharé, qui préside l'association sénégalaise des Amis et disciples de Senghor. Même s'il considère Senghor comme un héros, il ne comprend pas pourquoi le père de la négritude a passé la fin de sa vie en France.
Pendant ce temps, Senghor continue de symboliser pour l'Occident l'homme d'Etat africain capable de faire la jonction entre les valeurs africaines et occidentales. Lors de leurs récentes visites à Dakar, les présidentiables français Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal n'ont pas manqué de venir s'incliner sur sa tombe.
L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a déclaré 2006 "année Senghor" avec comme temps forts un concert à Bucarest, un colloque à la Bibliothèque nationale de France et une exposition à l'UNESCO. Lundi, le maire de Paris Bertrand Delanoë inaugure dans le VIIe arrondissement de la capitale la passerelle Léopold Sédar Senghor en présence d'Abdou Diouf, ancien président sénégalais et secrétaire général de l'OIF.
Le Sénégal devait émettre un timbre commémoratif. Et à Joal, la ville natale de Senghor, des manifestations sont organisées du 9 au 15 octobre où sont attendus des responsables des organisations francophones, des dignitaires étrangers ainsi que des jeunes venus de la soixantaine de pays membres de l'OIF. AP
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