Dans la région de Dakar, le nouvel axe routier du littoral, l’un des grands chantiers de M. Wade, passe devant l’échoppe où Barry Mamadou et ses deux fils survivent en confectionnant des rideaux avec des bouts de tissu. C’est une belle route, reconnaît le couturier de 62 ans. "Mais je ne peux pas la manger", ajoute-t-il, précisant qu’après avoir voté à deux reprises pour le sortant, il choisira cette fois l’un des 14 candidats de l’opposition.
Depuis son arrivée au pouvoir il y a sept ans, Abdoulaye Wade a mené de grands projets d’infrastructure et mis sur les rails une université pan-africaine. Reste que la moitié des 12 millions d’habitants est au chômage. Les candidats de l’opposition et des observateurs internationaux l’accusent de s’être éloigné du peuple, estimant qu’il devrait d’abord se préoccuper de ses besoins élémentaires avant de se concentrer sur de coûteux projets.
"Il semble y avoir un hiatus entre les idées qui paraissent bonnes sur le papier et ce qui se passe réellement sur le terrain", souligne Alex Segura-Ubiergo, représentant du Fonds monétaire international (FMI) au Sénégal.
Abdoulaye Wade, qui a passé trois décennies dans l’opposition et s’est présenté quatre fois à la présidentielle avant d’être élu à une large majorité en 2000, affirme avoir beaucoup réfléchi aux besoins du pays. "Le fossé qui nous sépare de l’Occident est grand et s’élargit", a-t-il déclaré dans une interview au palais présidentiel jeudi. "Nous devons aller plus vite pour le combler."
Le Sénégal est considéré comme un Etat africain modèle par l’Occident, une oasis de progrès sur un continent affecté par les régimes autoritaires, la corruption et la pauvreté. Pourtant de nombreux Sénégalais n’arrivent pas à trouver d’emploi.
M. Wade souligne que sous sa présidence, le pays a connu une croissance moyenne de 5%, au lieu de 1% auparavant, chiffres confirmés par le FMI, mais le tableau est loin d’être rose.
En raison du vieillissement des centrales électriques et de la hausse du prix du pétrole, les coupures de courant sont plus fréquentes qu’il y a quelques années. L’inflation est restée globalement faible, mais les prix des produits de première nécessité ont augmenté de 57% au deuxième semestre 2006. Et un conflit larvé continue à couver en Casamance, province du sud du Sénégal, où des rebelles luttent pour l’indépendance depuis 1982.
Le gouvernement est également critiqué par les défenseurs des droits de l’Homme pour avoir mis en prison des opposants, dont le libéral Idrissa Seck, ancien Premier ministre de M. Wade, aujourd’hui en liberté. Il est l’un des candidats majeurs en lice pour le scrutin de dimanche. Autre prétendant sérieux, le socialiste dissident Moustapha Niassa, également ex-Premier ministre du sortant.
Contrairement à de nombreux pays d’Afrique, le Sénégal possède une tradition démocratique et n’a jamais connu de coup d’Etat, ce qui en fait un havre de paix sur le continent pour les grandes sociétés internationales. "Notre président veut que notre capitale soit belle, et nous aussi", déclare Barry Mamadou, le couturier. "Mais à quoi bon voir une jolie chose, si on a le ventre vide ?" AP
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