
l est quasiment la voix de son maître et cherche à la défendre vaille que vaille. Abdou Mbow, qui nous a reçus dans son bureau à l’Assemblée nationale, s’est érigé en véritable bouclier de son leader Macky Sall et a tenté de justifier ses actes et positions.
Le président de la République vient d’opérer une reculade par rapport à sa décision d’interdire la mendicité des enfants et en même temps de demander la libération des marabouts détenus. Comment appréciez-vous cette situation ?
C’est trop dire en parlant de reculade. Il n’y a jamais eu de reculade parce que le président de la République est un homme qui prend ses responsabilités dans toutes les situations. C’est quelqu’un qui a été élu pour l’intérêt des Sénégalaises et des Sénégalais et chaque fois qu’il pense que la justice est d’un côté, il se range de ce côté-là. Ce n’est pas quelqu’un qui s’interfère dans les décisions de justices, mais il est tout de même garant de la sécurité des Sénégalais. On n’a pas élu un président qui fait des reculades mais plutôt qui s’assume.
Mais alors comment qualifierez-vous le fait que le président de la République sous le feu de l’action, lors de l’incendie de la Médina, ait demandé que l’on supprimât les daaras, que l’on interdise la mendicité et quelques jours après, avec le tollé que cela a soulevé, qu’il revienne sur ses décisions antérieures ?
Il ne faut jamais faire dire au président de la République, ce qu’il n’a pas dit. Le président n’a jamais dit, qu’il faut supprimer les daaras (il insiste là-dessus). Le président n’a jamais dit qu’il faut arrêter l’instruction coranique. Le président a toujours dit et il le réitère : ‘’Il faut arrêter l’exploitation des enfants’’. Je pense que sur ce plan, il sera intraitable et intransigeant. Travailler à éradiquer l’exploitation des enfants, n’a rien à voir avec une suppression des daaras ou leur élimination.
Mais le fait qu’il ait demandé la libération des marabouts qui ont été emprisonnés, ne signifie-t-il pas une immixtion dans le fonctionnement de la justice ?
Comme je vous l’ai dit, le président de la République est le garant de la Constitution sénégalaise, le garant des intérêts des Sénégalais et des Sénégalaises. Il n’interfère pas dans les décisions de justice. Cependant, la Constitution lui permet de pouvoir gracier des personnes. Mais à ce que je sache, à ce jour, il n’a pas encore gracié des criminels. Alors qu’on a vu le président Wade, gracier des bandits qui avaient été condamnés pour le meurtre de Me Seye, gracier des bandits qui avaient été condamnés à cinq et sept ans, dans l’affaire L’As et 24 heures Chrono. On n’a pas encore vu le président Macky Sall gracier ces genres de condamnés. Je pense qu’il faut prendre cet acte, comme celui de quelqu’un qui veut rétablir des Sénégalais dans leurs droits, mais pas comme une interférence dans les décisions de justice.
Je ne vous apprends rien en vous disant que bien qu’il ait la possibilité de gracier des personnes, cette grâce est quand même organisée par la loi. Il ne peut arriver que si ces personnes sont condamnées et qu’elles aient épuisé toutes les voies de recours.
Je ne parle même pas de décisions de justice ou de voies de recours, parce que je ne suis ni juriste, ni magistrat encore moins un avocat, mais un député du peuple qui défend les intérêts du peuple. Donc je pense que le président de la République, s’il pense que des citoyens, fussent-ils des maître-coraniques, ou d’autres personnalités, sont lésées dans leurs droits, il est normal qu’il puisse demander que ces personnes soient réintégrées dans leurs droits. C’est aussi simple que ça. Je pense qu’il ne faut pas amener une polémique inutile. J’ai juste dit ce que le président de la République, en tant que gardien de la Constitution, doit pouvoir faire.
Ce n’est pas une polémique. Mais le fait est que les marabouts arrêtés dans cette histoire y ont, ne serait-ce qu’une responsabilité civile. Alors s’il demande leur libération, sans qu’ils soient jugés, force est de reconnaître qu’il y une immixtion de l’Exécutif dans la marche du Judiciaire.
Vous savez, il n’y a jamais eu d’immixtion de l’Exécutif dans le Judiciaire.
Même avec cette affaire- là ?
Oui, même avec cette affaire-là, il n’y en a pas eu. Maintenant, vous pouvez l’interpréter comme vous voulez parce que vous ne pouvez pas me faire admettre les choses telles que je ne les perçois pas ou telles que vous le dites. Mais, je dis et je répète qu’il n’y a pas d’immixtion de l’exécutif dans la marche du judiciaire. Mais comme je vous l’ai dit, les faits sont sacrés et le commentaire est libre. Chacun peut dire les choses comme il les pense. On comprend. Ici au Sénégal, chacun travaille à formater l’opinion à sa guise.
Est-ce que cela ne s’ajoute pas à ce qu’il est convenu d’appeler «la cacophonie dans la communication gouvernementale» ?
Il n’y a jamais eu de cacophonie dans la communication gouvernementale
Même avec cette histoire de médiation pénale ?
L’histoire de la médiation pénale relève d’une polémique inutile. Le président de la République l’a réitéré dans le communiqué du Conseil des ministres. Et c’est ce qui est officiel. Le ministre de la Justice a parlé, c’est une voix officielle. Donc, moi, je ne vais pas entrer dans des débats stériles. Le président de la République a réitéré son engagement d’aller jusqu’au bout dans cette affaire-là. Parce que ceux qui ont dilapidé les ressources de ce pays vont le rendre jusqu’au dernier centime. On sera intraitable sur cette question.
Peut-on savoir, aujourd’hui, la position réelle de l’APR par rapport aux conclusions des Assises nationales ?
Elle est claire et nette. Le président de la République avait signé la Charte des Assises nationales avec des réserves. Ça, le président des Assises nationales, Amadou Matar Mbow, peut en témoigner. Et, les membres des Assises nationales, le savent.
De quelles réserves parlez-vous ?
Le président n’a jamais été d’accord pour un régime parlementaire. C’est un secret de polichinelle. Maintenant que certaines personnes veuillent entretenir le flou, cela n’engage qu’eux. Le président de la République est un homme qui respecte ses engagements. Notre position est celle que le président a toujours.
Le Jef Jel vous a néanmoins interpellé sur cette question en demandant au président Macky Sall de se positionner par rapport aux conclusions des Assises nationales, notamment sur la question du régime parlementaire.
Les Assises nationales ne sont ni la Bible encore moins le Coran. Ce sont des hommes et des femmes qui ont réfléchi par rapport à un projet. Ce ne sont pas la Constitution mais des réflexions que des Sénégalais et des Sénégalaises émérites ont eu à faire, pour la bonne marche de ce pays. Nous les félicitons par rapport à cela. Maintenant, toute réflexion n’est pas infaillible. Aujourd’hui, il y a même une commission qui est en train de travailler pour la réforme des institutions. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas prendre les Assises nationales, pour dire que le président doit se prononcer par rapport à telle ou telle autre question. Je pense que le Jef Jel peut avoir son avis. Mais il ne peut pas dicter au président Macky Sall, sa ligne de conduite.
Parlons maintenant des locales. Que vous inspirent ces voix discordantes au sein de votre coalition ?
(Il coupe) C’est ça la démocratie. Aujourd’hui, l’Alliance pour la République a réitéré son ancrage dans ‘’Benno Bokk Yakaar’’. Ma conviction est qu’on doit laisser les alliances se faire à la base. Pourquoi, Parce que tout simplement, on peut s’entendre ici et ne pas s’entendre là-bas. En 2009, dans certaines localités, on était parti avec ‘’Benno Siggil Sénégal’’ et dans d’autres, avec ‘’Dekkal Ngor’’ parce que les alliances se font par rapport aux affinités tissées à la base. Aujourd’hui, la coalition ‘’Benno Bokk Yakaar’’ existe, mais on ne peut pas dire que parce qu’on n’est pas parti avec elle quelque part, qu’elle va exploser. Nous continuons à discuter avec nos alliés et je pense que nous allons nous entendre sur beaucoup de questions, par rapport à ces élections locales.
Ne pensez-vous pas que l’APR doit, ne serait-ce que pour se peser, aller seule à ces locales ?
On est allé avec la coalition Macky 2012 (sic), on a eu 26%. Nous ne sommes pas des gens qui veulent gouverner seuls parce que c’est l’intérêt du peuple sénégalais qui nous préoccupe. On préfère privilégier la concertation, les alliances. Maintenant, si l’histoire impose qu’on aille seul, le moment venu, on avisera.
Vous êtes allés au premier tour de la présidentielle avec une coalition. L’APR ne pourrait-elle pas faire comme Serigne Mansour Sy Diamil aux législatives en allant seule aux élections locales ?
On n’est pas là, pour se comparer à des mouvements ou à des partis. On est aujourd’hui en coalition et on travaille à consolider cette coalition-là. Il ne faut pas que les gens pensent que les échappées solitaires vont demain, prospérer. On n’a pas peur de se peser, mais c’est juste qu’au Sénégal, on a l’habitude d’aller en coalition, de travailler avec des personnes avec qui, on s’entend pour le bien de la nation.
Parlons de la réduction du mandat du président de la République. Je pense que vous n’allez pas brandir l’argument de la démocratie interne, comme quoi les positions ne sont pas unanimes.
Les choses sont claires. Le président de la République a pris un engagement devant le peuple sénégalais qu’il va réduire son mandat de sept à cinq ans. Cette question est pour moi, derrière nous. Le mandat sera ramené à cinq ans. Le président l’a dit et redit.
Malgré les sorties contradictoires des responsables de votre parti ?
Vous savez les sorties, c’est normal. Nous ne sommes pas dans l’armée mais dans un parti politique, démocratique. Chacun a le droit de dire ce qu’il pense. A un moment donné, on avait commencé à polémiquer là-dessus, le président de la République a fait une sortie, il a dit qu’il avait promis de faire un mandat de cinq ans, il va le faire Incha Allah.
Vous êtes dans un parti politique qui se veut démocratique. Alors à quand la structuration ?
On a déjà commencé à faire nos comités. Le secrétariat exécutif s’est déjà réuni dernière pour continuer l’implantation du parti. Bientôt, on va lancer la vente des cartes et ensuite installer le parti et le structurer.
Vous ne redoutez pas le spectre des votes sanctions avec le renouvellement avant les élections ?
(Hésitations). Je ne sais pas avant ou après les élections, mais on va installer le parti, avec suffisamment de bases dans les localités. On va le faire de manière paisible, responsable et très réfléchie.
Entretien réalisé par Souleymane KANE
Le Pays au Quotidien
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