MARCHE DES CHARLATANS A LA MEDINA : Des crânes de crocodile pour imposer le silence à tous

Les Sénégalais sont des personnages très difficiles à cerner. Leurs activités et les histoires dans lesquelles ils trempent les poussent souvent dans situations chaotiques. Ils ont alors recours à des charlatans et autres marabouts véreux. Pour mieux ferrer la clientèle ces derniers font des prescriptions qui vous colle la frousse à la peau. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les têtes de crocodile ont fait leur apparition sur les étals du marché sis sur l’avenue Blaise Diagne à hauteur du stade Iba Mar Diop.

Dans ce haut lieu du mysticisme et du charlatanisme, les produits allant des peaux tannées d’animaux divers et rares aux têtes de crocodiles ou encore d’œufs, de bec d’oiseaux sont exposés. Les clients défilent à longueur de journée. En cette matinée pluvieuse, les vendeurs font étalage de leurs marchandises. Il est 11 heures, l’ambiance sur les lieux est au beau fixe. Comme à l’accoutumée, les klaxons des véhicules et les brouhahas des moteurs s’invitent dans le brouhaha. Qui caractérise cette avenue. Le long du stade Iba Mar Diop est occupé par les étals remplis à ras bord de différents éléments provenant d’animaux sauvages.

Silence !

Les têtes de crocodiles sont très prisées selon des témoignages reçus à travers la ville. Mais, on retient surtout les vertus de la loi du silence qu’il confère au grand public. Selon l’un des témoignages recueillis «Des charlatans et marabouts demandent à certains de leurs clients qui ont des problèmes sérieux. C’est le cas de difficultés qui ameutent ou qui fait jaser. Pour clore le débat, il y a un talisman qu’on place à l’intérieur de la tête du reptile avant de le coudre. Le client se chargera ensuite de l’enterrer dans un cimetière».

Sur les vertus ou ce que soignent ces têtes de crocodile entassées parterre, le jeune Haoussa est resté sans voix. «Je ne le sais pas. Mon business c’est acheter et vendre». Un charlatan ayant pignon sur rue à Rufisque qui a préféré garder l’anonymat nous dit qu’il ne travaille pas avec ces genres de produits dérivés d’animaux sauvages et souvent inaccessibles. Mais il a quelques connaissances sur le mystère entourant les têtes de crocodiles. Selon lui, «ces têtes de crocodile sont souvent vendues sans les yeux. Car, ils constituent les parties les plus mystérieuses». Toujours selon ses propos «celui qui se rince le visage avec une eau où l’on a trempé un œil de crocodile pendant toute une journée perd le sommeil pendant des jours. Celui-ci pourra voir toutes les activités des djinns et des mauvais esprits.

Loi des Haoussa

Dans ce marché, les vendeurs sénégalais se comptent sur le bout des doigts de la main. Les tenanciers d’étals sont surtout des Nigériens (haoussa). Qui ne parlent ni Français, ni wolof. Mais, ils se débrouillent toujours pour comprendre leurs interlocuteurs et écouler leurs marchandises. Il est d’ailleurs difficile de leur arracher le plus petit mot concernant un certain nombre de question que peut se poser le non-initié. Mais comme dans toute communauté, il y a souvent, quelqu’un qui se résout à rompre le silence. C’est le cas de ce jeune Haoussa âgé d’une trentaine d’années, trouvé sur les lieux qui sous le couvert de l’anonymat explique « ces produits se vendent très bien. Je ne suis pas un charlatan. Je suis un simple vendeur. Mais, ici les clients viennent du matin au soir. J’achète le produit pour le revendre après».  Interpellé sur l’origine, l’utilisation, et l’identité des acheteurs de son produit, le jeune Nigérien signifie qu’il n’en sait pas grand-chose. «J’attends les vendeurs sur place. Les fournisseurs viennent m’approvisionner. Ainsi j’achète et je revends». Cependant, chacun a son idée sur ceux qui fréquentent ce marché particulier. Pour les acheteurs, certains sont  charlatans, d’autres ne le sont pas.

Le commerce de ces produits marche très bien, d’après ce jeune haussa. Une tête de crocodile est vendue à 6 500 fcfa. Dans ce contexte de crise, les populations trouvent toujours le moyen de débourser une telle somme pour entrer en possession de ce produit macabre. Notre interlocuteur confirme «je reçois toujours des clients. A qui l’on conseille de venir vers moi. Ils peuvent aussi être envoyés par des marabouts».