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Lors de la présentation publique, le week-end dernier, du «Manifeste citoyen pour la refondation nationale», le chef religieux, Serigne Mansour Sy Djamil, et ses camarades ont annoncé la création d’un «mouvement social fort» visant à mettre fin au régime libéral en place.
«Trop, c’est trop !», disent-ils, «car
les populations n’en peuvent plus de supporter les dérives et les
scandales de toutes sortes». Selon Serigne Mansour Sy Djamil, «ce
mouvement social portant les conclusions des Assises nationales va
mobiliser le plus largement possible au-delà de Benno Siggil Senegaal»
avec comme objectif de changer le mode de gouvernance du pays et de
travailler à créer les conditions de la transformation sociale. Ledit
mouvement social, composé des intellectuels, des associations de jeunes,
des hommes religieux, des élus locaux entre autres, mise sur des
alliances plus fécondes de manière à en finir avec les dérives dans la
gouvernance. «Quant au pouvoir en place, responsable de la mal
gouvernance, nous ne pouvons que lui opposer la résistance du peuple»,
avise le guide religieux. Le sociologue Abdou Salam Fall, professeur
chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), un des signataires du
manifeste indique : «L’émergence de contre-valeurs, le populisme ambiant
qui rythme la manière de gouverner le Sénégal, il faut y mettre fin à
partir de mécanismes au sein du peuple, permettant d’assumer les
changements.» «On ne porte ombrage à personne. Sinon, on s’inscrit dans
cette dynamique plurielle décidée d’un commun accord durant
l’élaboration des conclusions des Assises nationales», alerte Serigne
Mansour Sy Djamil.
Les signataires du manifeste «Sénégal, demain un
autre pays» entendent s’engager résolument dans un plaidoyer en faveur
de la restitution des conclusions des Assises nationales. «Nous allons
créer une mobilisation pour prendre en charge les préoccupations des
populations. Pour 2012, il faudra favoriser de larges convergences»,
révèle l’économiste Ousmane Sané. Serigne Mansour Sy Djamil et ses
camarades soutiennent l’urgence de «travailler à un grand rassemblement
de manière à permettre, non seulement le partage des conclusions des
Assises, mais en plus d’approfondir ces conclusions et de veiller à
demeurer les sentinelles pour la défense de la charte de gouvernance
démocratique issue des Assises». Non sans évoquer la nécessité d’une
implication de tous les acteurs dans la définition, le suivi et la mise
en œuvre des politiques publiques. Pour Ousmane Sané, «ce sont les
facteurs endogènes qui pèsent sur les contre-performances de l’économie
sénégalaise».
Au plan économique, les acteurs du manifeste veulent
susciter l’engagement à promouvoir des pôles de développement
économiques au Sénégal.
«Nous ne sommes pas obnubilés
par le pouvoir»
D’entrée de jeu, les signataires du
manifeste ont tenu à préciser leur démarche. «Nous ne sommes pas
obnubilés par la conquête du pouvoir en 2012, même si nous considérons
que cela peut être une étape importante. Mais, nous sommes obnubilés
pour traduire dans la réalité les conclusions des Assises nationales
pour une transformation sociale», prévient Serigne Mansour Sy Djamil.
Avec ses camarades, le marabout s’engage à travailler pour la
prolongation de la phase d’adhésion au manifeste de manière à mobiliser
la large sphère de signatures. «Une fois qu’on aura recueilli un seuil
important de signatures, nous irons vers une assemblée générale des
signataires du manifeste. Et c’est cette assemblée qui va décider du
nom, des organes et de la stratégie à envisager. Personne ne peut dire
quel est le candidat qu’on va soutenir en 2012, parce que c’est
l’assemblée et les organes qui seront créés qui vont en décider»,
informe le chef religieux. Grâce à ce manifeste, une dynamique se
dessine au niveau des quartiers de la capitale et du Sénégal des
profondeurs pour la mise en place des cellules de soutien.
LANCEMENT
D’UN MANIFESTE « SENEGAL, DEMAIN UN AUTRE PAYS»
Un groupe de Sénégalais s’organise pour alterner l’alternance
Après un diagnostic sans complaisance de la situation politique, économique et sociale du Sénégal, un groupe de Sénégalais réunis au sein d’un Collectif, dont le nom n’a pas encore été décliné, lance un Manifeste : «Sénégal, demain un autre pays : manifeste citoyen pour la refondation nationale.» S’adossant sur les conclusions des Assises nationales, ses initiateurs (voir signataires en bas du document) constatent que des Sénégalais s’organisent pour mettre un terme aux différentes gestions telles que déclinées depuis Senghor, mais aggravées par celle de Wade. Ces Sénégalais appellent à la résistance au régime actuel, travaillent pour une refondation de la République par une nouvelle Constitution, le respect de la Justice, l’effectivité de l’équidistance entre les confréries, une prise en charge des questions économiques etc. Nous vous proposons in extenso le texte produit à cet effet.
SENEGAL, DEMAIN UN AUTRE PAYS :
Manifeste citoyen pour la refondation nationale
Depuis
de nombreuses années, le Sénégal connaît une mal-gouvernance. D’une
manière générale, le chaos qui s’est installé dans le pays au cours de
la décennie qui s’achève préoccupe tous les Sénégalais. Non seulement
les institutions ont été déstabilisées, mais les fondements même de
l’Etat ont été remis en cause. Et, malgré un potentiel élevé de
ressources, la pauvreté ne cesse d’augmenter dans le pays. La croissance
chute de manière vertigineuse en même temps que les politiques
publiques manquent de cohérence.
Tout cela se déroule dans un
contexte où dominent l’improvisation et le manque de concertation entre
les acteurs. Quant à l’administration, elle devient chaque jour de plus
en plus informelle, de moins en moins rigoureuse et fiable. Depuis
l’Alternance, survenue en 2000, on assiste à une sorte de promotion
effrénée des contre-valeurs qui a favorisé une corruption
généralisée
alors même que le populisme est érigé en mode d’ascension politique.
Trop,
c’est trop ! Les populations n’en peuvent plus de supporter les dérives
et les scandales de toutes sortes. Aujourd’hui, des citoyennes et
citoyens ont décidé de se mobiliser et d’appeler le peuple, à travers ce
Manifeste, à un sursaut salvateur pour initier les transformations
sociales profondes nécessaires à notre pays.
Les Assises Nationales ont installé les conditions de la refondation du Sénégal
Les Assises nationales du Sénégal, qui
se sont déroulées de juin 2008 à juin 2009, constituent un acte
politique majeur. Ces Assises ont défini de nouvelles exigences et
ouvert de nouvelles possibilités pour le pays. Espace public de débats
féconds et participatifs, elles ont débouché sur un projet de société
capable de faire rêver, si des millions de Sénégalais se l’approprient.
Elles ont aussi fortement mis en évidence une exigence d’éthique et
d’équité que ne pouvaient plus, à eux seuls, satisfaire des partis
politiques assez mal en point depuis mars 2000. L’implication directe
dans le débat de personnalités politiques et syndicales, mais aussi de
femmes et d’hommes de culture, de leaders religieux, de militaires, de
Sénégalais de la diaspora, etc., est une réaction à la faillite morale
du régime de Maitre Abdoulaye Wade.
Les travaux des Assises ont
contribué à alimenter de riches discussions sur les politiques à mettre
en œuvre à court et à long termes. Un tel processus a non seulement
modifié le rapport du citoyen à la gestion de la cité mais également
changé, dans une très large mesure, la perception que beaucoup de
secteurs significatifs ont de leurs rôles et de leurs responsabilités.
Les
signataires de ce Manifeste entendent réaliser la vision et les
orientations stratégiques des Assises nationales. Atteindre cet objectif
suppose une forte mobilisation, seule capable de créer les conditions
de l'instauration au Sénégal d'une société démocratique, juste,
pluraliste et pleinement respectueuse des droits humains et des libertés
individuelles ; bref, une société
fonctionnant selon des mécanismes
susceptibles d'assurer le bien-être de tous.
Les limites des régimes précédents
Après vingt ans d’exercice du pouvoir
(1960-1980), le Président Senghor a laissé l’économie du Sénégal dans
une situation exsangue, avec en toile fond la banqueroute de l’ONCAD
(Office national d’Assistance et de Coopération pour le Développement)
qui constituait pourtant l’élément central de sa politique agricole.
Selon la Banque mondiale, le Sénégal a enregistré au cours des vingt
premières années de son indépendance, la croissance économique la plus
faible des pays africains au Sud du Sahara, à l’exclusion des pays en
guerre civile ou en proie à des troubles politiques graves.
L’absence
d’une vision nationale partagée d’un développement véritable et
l’application systématique par Abdou Diouf des programmes d’ajustement
structurel avaient fini de placer les populations des villes et des
campagnes dans une situation
de pauvreté et de dénuement endémique.
Au soir du 19 mars 2000, le sentiment général de ras-le-bol a précipité
la chute du Parti socialiste.
Mais, aujourd’hui, l’Alternance, alors
espoir de tout un peuple, présente un bilan désastreux. L’échec est
évident, qu’il s’agisse de la satisfaction de la demande sociale, de la
sauvegarde des libertés, de la consolidation de l’Etat de droit ou de
l’éthique dans la gouvernance. Du fait des politiques de régression
sociale pratiquées, l’Alternance n'a pas su créer les conditions
véritables d'un changement positif. Aujourd’hui, les revenus des paysans
et des éleveurs ont baissé de manière drastique, entraînant une
accélération de l’exode rural.
Sous Wade, le peuple fait face à un
régime mal préparé à la gestion de la chose publique, un régime aux
relents populistes, caractérisé par la cupidité et le cynisme de ses
acteurs. L’ère Wade, c’est, selon nombre d’observateurs, celle de la
dislocation des institutions, mais aussi d’une concentration jamais
égalée du pouvoir présidentiel au Sénégal.
La résistance au régime de Wade
Le régime de Wade approfondit les
injustices, aggrave les inégalités et accentue les discriminations
sociales. Mais, face à la violence de cette politique, des résistances
s'organisent pour mettre un terme à l'entreprise de démolition nationale
et sociale à laquelle se livre le pouvoir en place.
C’est le cas
avec la révolte, en novembre 2007, des marchands ambulants qui
protestaient contre leur « déguerpissement » brutal du « centre-ville ».
Cette révolte a consacré la rupture des jeunes avec un « maitre »
incapable de se hisser à la hauteur de leurs aspirations. La résistance,
c’est aussi les protestations du monde rural qui s’oppose au système
calamiteux de
commercialisation de l’arachide instauré depuis 2001.
La marche des Imams à Guédiawaye, les émeutes contre les coupures
intempestives d’électricité, la mobilisation des deux collectifs de
Kédougou, la résistance des populations de la communauté rurale de
Mbane, la lutte des travailleurs pour la défense de leurs intérêts, –
notamment le combat des femmes confrontées au travail précaire dans les
usines de pêche – sont des événements riches d’enseignements.
On ne
peut taire ici le naufrage, le 26 septembre 2002, du bateau « le Joola
», l’un des plus grands scandales maritimes de tous les temps et
conséquence directe d’une gestion irresponsable. Mais rien n’y fait ! La
gestion informelle continue comme si le sacrifice n’était pas
suffisamment lourd.
Les élections municipales de mars 2009, qui ont
marqué la défaite de Wade et de son régime, constituent un indicateur de
la modification des rapports entre Wade et le peuple sénégalais. Les
résultats de ces élections ont été en outre l’expression du refus
catégorique du peuple face à la volonté de succession monarchique à la
tête de l’Etat. La situation politique actuelle met face à face une
masse de mécontents prêts à agir et un Etat dont la légitimité et
l’autorité sont contestées par une large majorité de la population du
fait de son incompétence sociale, politique et économique.
Comment
faire partager par le plus grand nombre notre conviction qu'une
alternative à l'Alternance détournée et ratée est possible ? Telle est
l’interrogation fondamentale aujourd’hui. Y répondre est la condition de
la restauration de l’espoir pour le peuple, la condition aussi de sa
mobilisation et, par conséquent, de la victoire.
Plusieurs grands
chantiers nécessitent notre mobilisation, de la refondation d’un Etat
républicain et démocratique à la création de pôles économiques pour un
développement endogène, en passant par des transformations sociales et
culturelles. Il faudra aussi approfondir la réflexion sur les politiques
publiques pour remettre le pays sur les voies de la bonne gouvernance
et susciter un large rassemblement autour des consensus issus des
Assises nationales.
Refonder un Etat républicain et démocratique
C’est l’ensemble de l’arsenal
institutionnel du Sénégal qui doit être rebâti autour des thèmes
suivants : projet de nouvelle constitution, espace de participation
citoyenne, ordonnancement institutionnel installant un juge des
libertés, effectivité de l’équidistance de l’Etat vis-à-vis des
confessions et des confréries religieuses, instauration de l’Etat de
droit, rôle des ordres professionnels dans la régulation et le
développement d’une culture de l’excellence, de la transparence et de la
qualité des services au profit du plus grand nombre de citoyens.
Il
faut que la République permette aux citoyens de disposer de droits et de
pouvoirs accrus afin de leur permettre d’intervenir dans tous les choix
publics. Aujourd’hui, plus que jamais, de grands dangers menacent notre
unité nationale, d’autant que la question centrale de la Casamance est
loin de connaître un traitement qui puisse permettre de garantir la paix
et qui semble s’éloigner chaque jour un peu plus.
Créer des pôles économiques pour un développement endogène
Malgré l’image déformante et persistante
d’un pays aux faibles ressources, le potentiel économique du Sénégal
est considérable. Le secteur primaire devra jouer son rôle fondamental
grâce à la réhabilitation du secteur agricole, de l’élevage, de la
pêche, de la foresterie. La revalorisation de l’exploitation familiale
et des dynamiques communautaires, à côté des grandes exploitations
agricoles, y contribuera. La petite et moyenne industrie constituera le
stimulant de cette agriculture, par la transformation des produits et
l’intégration des différents secteurs liés. La vocation des grandes
zones du pays sera reconnue à sa juste valeur et les pôles de
développemnt articuleront les potentialités complémentaires des régions,
en favorisant une intercommunalité.
Il est aussi impérieux que les
entreprises du secteur privé assument pleinement leurs responsabilités
sociales : c’est la condition pour réconcilier le monde des affaires
avec le développement national et local. De même, l’économie sociale
sera un des fers de relance des économies locales, car elle permet
l’émergence d’un système garantissant la redistribution des
richesses.
Dans la même mouvance, l’économie publique ne saurait être reléguée au
second plan. Dans un processus de refondation nationale, en effet,
l’impératif d’égalité des citoyens passe par des investissements publics
de grande envergure assurés par la puissance publique.
Engager des transformations sociales et culturelles
Dans le processus de refondation des
institutions et d’émergence des pôles de développement, c’est toute la
société qui devra agir ensemble pour amorcer les changements
nécessaires. La vision à laquelle nous aspirons est celle d’un Sénégal
de justice, porté par ses citoyennes et ses citoyens dans un élan
salvateur et durable d’émancipation. Cette vision, dont la réalisation
va se répercuter aux plans économique, social, culturel et politique,
passe par une redéfinition des valeurs de référence, un changement des
pratiques sociales et une lutte acharnée contre les inégalités et la
corruption.
Notre société doit profondément changer. Notre rapport à
la chose publique reste aujourd’hui débridé. La notion de « bien commun »
et de « bien public » est évanescente et mérite la mise en place de
garde-fous pour la protéger et la vivifier.
Il nous appartient de
rebâtir une société du mieux-être au bénéfice du plus grand nombre. A
cet effet, il nous faut initier le chantier des transformations
radicales de nos modes de pensée, des formes de régulation de notre
société, de nos choix de développement. Notre rapport à autrui, en
privilégiant le dialogue des cultures, devra être débarrassé des tares
qui remettent en cause la cohésion sociale.
Remettre le pays sur les voies de la bonne gouvernance
La question centrale que soulèvent
toutes ces orientations est la suivante : comment faire pour que des
millions de femmes et d’hommes, si différents par leurs pensées et si
divers par les organisations politiques et sociales auxquelles ils
appartiennent, soient suffisamment unis et résolus pour rendre
incontournables des changements qu’ils estiment indispensables ?
Les
Assises nationales ont permis de formuler toute une série de mesures
nécessaires pour asseoir des politiques sociales fortes ; des politiques
qui vont faciliter l’accès à des services de qualité dans le respect de
la dignité humaine et du droit, garanti à tous, à une vie décente. Les
Assises ont également mis en relief les mesures économiques
indispensables pour faciliter la souveraineté monétaire de l’Afrique de
l’Ouest, voire au-delà.
Dans le cadre de l’intégration des peuples
africains et au-delà de l’affirmation du panafricanisme, le droit à la
mobilité des personnes reste fondamental. Les langues nationales
méritent un autre sort pour enfin devenir de véritables facteurs
d’émancipation culturelle et scientifique. Par ailleurs, au Sénégal, un
débat franc doit être engagé sur les questions de la laïcité, de
l’école, du rapport entre l’Etat, les confessions et les confréries
religieuses. Ce débat est rendu essentiel par l’importance du fait
religieux à toutes les échelles de la société.
Mais il convient
d’aller encore plus loin dans le développement des libertés publiques et
de la démocratie en renforçant la démocratie représentative par une
démocratie d’opinion, une démocratie participative. Sans faire table
rase du passé dont il faut savoir intégrer les aspects positifs, il
convient d’inventer les formes politiques nouvelles d’un mouvement
émancipateur. Il faut un imposant mouvement social pour porter ces
chantiers avec le peuple sénégalais. Nous pouvons cependant y arriver.
Pour un large rassemblement de soutien au consensus autour des Assise nationales
Le sens et l’ambition de notre projet
politique reposent sur quelques idées-forces. Ces axes pour l’action
sont de la plus haute importance, car le succès d’une refondation
nationale exclut toute tentative de raccourci avec les exigences.
Ainsi,
il faut :
• créer en permanence les conditions d’une intervention
populaire ;
• construire, dans le contexte mondial actuel, l’unité
des exclus en combattant sans merci les logiques de domination et les
idées de division sur lesquelles s’appuie le libéralisme ; tous les
rapprochements nécessaires – local, national, africain, mondial – seront
favorisés à cette fin.
Maintenant que les Assises nationales ont
élaboré les grands objectifs d’un projet de changement souhaité par la
majorité des Sénégalais, en partant des expériences de 50 ans
d’indépendance et en prenant en compte les besoins exprimés par les
populations, l’étape suivante consiste à les rendre crédibles, à animer
la discussion sur les choix à assumer et à faire
vivre sans attendre,
partout où c’est possible, les idées de transformation sociale.
Cette
démarche est novatrice à plusieurs égards. D’une part, les conditions
sont maintenant réunies pour enfin tirer profit de tout le legs du
mouvement démocratique, enrichi des apports et potentialités des
Sénégalais de la Diaspora. La nouveauté s’incarne, d’autre part, dans
l’émergence de personnalités religieuses modernes, représentatives,
ouvertes aux exigences
du monde contemporain, héritières du
patrimoine moral de leurs ancêtres et prêtes à s’engager résolument dans
le combat libérateur pour l’émancipation économique, sociale et
culturelle dans la perspective d‘un développement intégral et durable.
Dans
le cadre des réflexions et des actions à mener pour la refondation de
la République et les transformations sociales, les tâches immédiates
porteront sur les thèmes suivants :
a) l’interpellation des forces du
changement pour une restitution citoyenne des conclusions des Assises
et leur appropriation par les populations,
b) l’implication dans les
luttes et activités pour la prise en charge effective et permanente des
préoccupations des populations urbaines et rurales,
c) le soutien
politique et organisationnel des collectivités locales où l’opposition
est sortie victorieuse lors des élections municipales de 2009, en vue
d’y appliquer les conclusions des Assises nationales.
d)
l’approfondissement des conclusions des Assises en vue de proposer un
programme alternatif politique opérationnel axé sur les enjeux de la
refondation et les transformations sociales.
Quelles forces de progrès pour la Refondation ?
Le mouvement démocratique sénégalais
nous a légué une richesse inestimable : les milliers de femmes et
d’hommes sur tout le territoire et dans la diaspora, militants
déterminés, expérimentés et, aujourd’hui, des élus. C’est l’heure
maintenant de mettre un terme à la dispersion de cette force. Ainsi
seront ouvertes de nouvelles perspectives dans le combat des signataires
de ce Manifeste citoyen en vue de l’émancipation de nos populations.
Il
convient de donner aux hommes religieux toute leur place dans ce
processus. L’homme religieux a un devoir de témoignage, d’action,
d’incandescence spirituelle dans un pays qui, ici et maintenant, a soif
d’éthique et de justice. C’est le modèle que les véritables chefs
religieux nous ont laissé, de 1776 à nos jours, de Thierno Souleymane
Baal à Mame Bou Kounta Ndiassane, en passant, entre autres, par Thierno
Abdel Kader Kane, El Hadj Oumar Foutiyou Tall, Maba Diakhou Ba, Mame El
Hadj Malick Sy, Serigne Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Cheikh Abdoulaye
Niasse, Mame Limamoulaye, et bien d’autres chez les chrétiens.
A cet
égard, l’Eglise catholique n’a jamais été en reste. Des figures ont
marqué de leur empreinte la formation spirituelle et l’affirmation des
idées de progrès : Abbé Boîlat (1840), Mgr Joseph Faye, Père Lebret,
Père Pinault, Abbé Sock, Cardinal Yacinthe Thiandoum. Aujourd’hui, cet
engagement se reflète dans la lettre pastorale publiée par les évêques
le 30 novembre 2000 sous le titre : « Quel Sénégal pour le 3ème
millénaire ? » En fait, il s’agit d’une question qui porte sur toute
l’action sociale de l’Eglise au Sénégal, de l’indépendance politique à
nos jours, dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la lutte
contre toutes sortes de pauvreté. Le présent Manifeste cadre
parfaitement avec cet esprit inspiré d’une longue tradition forgée par
des résistants à l’oppression de leur peuple : Aliin Sitooye Diatta,
Njembett Mbodj, les femmes de Nder, Sidiya Léon Diop, Lat Dior Diop,
Alboury Ndiaye, etc.
Une invitation au débat et à l’action
Les signataires de ce Manifeste ont la
certitude qu’il existe au Sénégal des femmes et des hommes profondément
déterminés à faire respecter les conclusions des Assises nationales pour
réellement aller dans la voie de la rupture. Le rassemblement à mettre
sur pied sera une association de citoyens volontaires libres. Il
regroupera des partis politiques, des organisations citoyennes, des
hommes et des femmes issus du mouvement démocratique, tous conscients de
l'étendue du désastre créé par le régime de Wade et décidés à agir
utilement pour y remédier. Les signataires de ce Manifeste ont décidé de
se fondre dans ce processus, en souhaitant contribuer à ouvrir un
débouché politique aux profondes aspirations des Sénégalais. Loin de la
prétention d’être un bréviaire révolutionnaire présentant un nouveau
projet sur tous les sujets, ce Manifeste est plutôt, sous la forme d’une
invitation au débat et à l’action, une contribution sur ce qui pourrait
être ce Sénégal du 21e siècle que nous voulons construire dès
maintenant à partir des acquis passés et présents.
L’originalité du
rassemblement réside dans cette détermination à associer dans notre
démarche toutes les catégories sociales qu’exige la réalisation de cet
objectif. Elle vise à faire en sorte que se rencontrent, dans une même
démarche commune, l’expérience du mouvement démocratique des forces de
gauche, les leçons tirées de l’expérience de gouvernement du
Parti
socialiste et de l’Alliance des Forces de Progrès, le capital symbolique
dont jouissent les religions, la créativité des intellectuels et des
artistes, le patriotisme des artisans et des travailleurs, l’engagement
des organisations du monde rural, des mouvements sociaux des jeunes, des
femmes, des coopératives, des syndicats, tous tendus vers le même
objectif d’émancipation humaine.
Intégrer toutes ces composantes pour
les dépasser, les mobiliser pour la refondation et engager les
transformations sociales qui auront des impacts positifs sur toute notre
société, tel est le défi de ce Manifeste.
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