A Diaobé, commune située dans la région de Kolda, nombreuses sont les adolescentes qui pouponnent à l’âge où leurs amies vont étudier. Là-bas, chaque année, beaucoup d’adolescentes deviennent mères. Par accident.
Mercredi après-midi. Diaobé vit au rythme de son marché hebdomadaire. Les marchandages entre acheteurs et vendeurs parviennent faiblement au domicile d’Aïssatou, non loin. Seule dans sa chambre, elle est à moitié nue. « Tout le monde est parti au marché », renseigne-t-elle en plongeant une cuillerée de soupe dans la bouche de Binta, sa fille. Il y a juste 9 mois, Aïssatou est devenue mère, à 13 ans, à la maternité du poste de santé de Diaobé. Une grande chance, reconnaît, l’adolescente. « Vu ma taille, beaucoup me voyaient à Tamba (ndlr : l’hôpital régional de Tambacounda). Dieu merci, car c’est ici, tout près de moi, au poste de santé, que j’ai accouché », raconte-t-elle, décontractée, la photo du père de son bébé entre ses mains. « Regarde, il est beau non », dit-elle !
Ce dernier, un jeune rabatteur de 17 ans, ne la quitte pas. « Tous les jours, il est là. Il n’a pas beaucoup de moyens, mais nous nous débrouillons », fait remarquer la fille mère, contrainte d’arrêter prématurément sa scolarité en classe de Cm1. « C’est vrai, je ne voulais pas avoir un enfant si tôt. Mais c’est arrivé. Je n’y peux rien et j’accepte », avance Aïssatou qui est loin d’être un cas isolé dans la commune de Diaobé.
Là-bas, elles sont nombreuses, les adolescentes mères qui paradent avec leurs enfants. Au marché, dans les rues ou au terrain, on les rencontre, le plus souvent, munies de leurs couches et biberons. Diénabou Diallo est l’une d’elles. « Mon bébé a fêté son premier anniversaire la semaine dernière », lance-t-elle d’un sourire qui dissimule mal son amertume. C’est que, contrairement à Aïssatou, Diénabou a été abandonnée par tout le monde. Même par le père de son enfant. « J’avais énormément de difficultés. Je n’avais personne à qui me confier », se souvient Diénabou qui, assaillie par les soucis, a même voulu mettre un terme à sa grossesse.
Nombreuses sont les jeunes filles, à Diaobé, qui ont vécu pareille situation. Dans cette commune, le phénomène « des enfants qui font des enfants » a pris une dimension telle que certains parlent désormais d’« épidémie ». « Il est rare de voir, ici, une maison où on ne trouve pas une adolescente-mère », confie le notable Samba Diao qui incrimine le changement de mentalité vis-à-vis de la sexualité. Avoir un enfant sans être marié, dit-il, n’est plus aussi mal vu qu’autrefois. « Beaucoup de jeunes ont réduit les rapports sexuels à un simple jeu », renchérit le vieux Diao. Un avis qu’il partage avec l’imam Thierno Aliou Bâ selon qui, d’ailleurs, il ne pouvait en être autrement. Il y a, aujourd’hui, constate l’imam, une omniprésence du thème de la sexualité dans la vie des adolescentes. « Les sanctions sociales et religieuses de la sexualité hors mariage ont sensiblement diminué », regrette-t-il.
Le directeur d’école, Kédiaw Sané, indexe la pauvreté, de plus en plus aiguë des populations, pour expliquer le phénomène. La grande majorité des filles mères, argue-t-il, est issue d’un milieu défavorisé. « Avec la conjoncture économique, beaucoup de chefs de famille ont démissionné de leurs responsabilités de père », avance l’instituteur.
Cette démission des parents est également constatée par le notable Mamadou Diao. « Qui dit manque de surveillance des parents, dit porte ouverte à toutes les dérives », estime-t-il, indiquant que les enfants en général et les filles en particulier grandissent avec peu de règles ou de conseils pour les guider. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, il y a aussi beaucoup de filles qui deviennent mères par mimétisme. « L’adolescente se dit que tout le monde le fait pourquoi pas elle », explique M. Diao. Cette mentalité très répandue chez les jeunes filles accrédite la thèse selon laquelle le phénomène des ados-mères transcende les barrières économique et sociale. Et le cas de Habibatou est en cela une parfaite illustration. Bien qu’elle soit à l’abri du besoin, cette adolescente de 14 ans est devenue mère. A la grande désillusion de ses parents. « J’ai toujours satisfait même ses besoins les plus élémentaires. Tout cela pour lui éviter ce qui est arrivé à ses copines. Mais elle s’est laissée influencer par son entourage », raconte, l’air dépité, Kadidiatou Mballo, la maman d’Habibatou, pour qui le phénomène des adolescentes mères est un phénomène de mode qui n’épargne aucune famille, riche ou pauvre. L’unique manière d’endiguer ce phénomène, laisse-t-elle entendre, est de retourner aux valeurs traditionnelles.
Telle est également la conviction Thierno Aliou Bâ. Mieux, l’imam plaide pour un retour à Dieu et pour un enseignement des valeurs et principes qui fondent notre société. « Face à un monde en perte de valeurs, il est indispensable qu’on arrive à mettre à la disposition de notre jeunesse des instruments de notre propre culture ».
1 Commentaires
Jules
En Février, 2012 (12:16 PM)merci
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