Public.fr : Que ressentez-vous à l’annonce de la mort de Katoucha ?
Sylvia Deutsch : Je suis effondrée. Je pressentais un tragique accident parce que j’ai toujours réfuté les thèses de suicide, d’enlèvement et de tout ce qui a pu être raconté. C’est ce que je pressentais, mais n’empêche que l’annonce, la réalité, l’effet n’enlèvent rien à la douleur, au manque, au chagrin, à la tristesse. Je voudrais surtout envoyer plein d’amour et d’affection à ses enfants car tous ses enfants adorent leur mère, ce qui est normal d’ailleurs et elle le mérite car elle est une femme exceptionnelle. Leur dire plein de choses. Leur dire que je pense à eux. Leur dire courage. Leur dire que leur mère était quelqu’un d’exceptionnel, d’extraordinaire, d’hors norme. Ils ont eu la chance d’avoir une maman fabuleuse.
Public.fr : Vous qui la connaissiez bien, qui était vraiment Katoucha ?
Sylvia Deutsch : Katoucha, c’est quelqu’un qui a vécu toute sa vie à 100 à l’heure, qui a tout fait avec passion : son enfant, sa rébellion, les podiums les plus prestigieux avec les couturiers les plus prestigieux qui se l’arrachaient… Elle venait de tourner un film au Sénégal qui est l’adaptation d’un livre d’un auteur sénégalais… Elle faisait tout passionnément. Parler de Katoucha comme étant quelqu’un de la nuit, c’est très réducteur. Elle a fait ce combat contre l’excision qui était très courageux, qui était magnifique, qui n’était pas du tout un combat frontal avec les musulmans, mais qui était une protection des jeunes filles, et, elle l’a fait à fond, comme tout ce qu’elle a fait.
Public.fr : Quel souvenir garderez-vous d’elle ?
Sylvia Deutsch : Je n’ai pas un souvenir, j’ai des dizaines de souvenirs. Elle disait pendant qu’on écrivait le livre : ‘c’est ma sœur. On n’a pas les mêmes père ni mère, mais on a les mêmes racines.’ A chaque fois que je la voyais c’était une magie. Une chose, par exemple : quand on avait rendez-vous pour enregistrer, pour se voir ou pour sortir, étrangement, on était toujours habillé dans la même couleur. C’est à dire que si j’étais en orange et noir, elle était en orange et noir, elle s’était changée à la dernière seconde. Il y a eu des coïncidences comme ça… Avec Katoucha, on rentrait dans une autre dimension. C’était quelqu’un qui dégageait une magie, qui dégageait des ondes spécifiques, qui était très particulière et très unique en son genre. Je connais beaucoup de monde, mais je n’ai rencontré qu’une seule personne comme Katoucha. C’était un être unique, original, exceptionnel et qui emmenait toute cette singularité autour d’elle.
Public.fr : Qu’avez-vous envie de faire aujourd’hui pour honorer sa mémoire ?
Sylvia Deutsch : J’ai envie que l’on parle bien d’elle. Répondre d’une certaine mémoire flamboyante et prestigieuse qu’elle m’inspire. Malheureusement, je ne peux pas reprendre les rennes de son association, de son combat pour les jeunes en Afrique, mais j’aimerais beaucoup qu’il y ait quelqu’un qui le fasse. Je pense parler d’elle tout simplement, dire qui elle était tout simplement. Cela suffit pour honorer sa mémoire et surtout respecter, éviter qu’il y ait des dérives écrites ou parler parce qu’elle est, quoi qu’il arrive, une femme que tous les plus grands se font arracher et, s’ils se la sont arrachés, ce n’est pas parce qu’ils avaient des raisons particulières, c’est parce qu’elle occupait l’espace sur un podium, elle découpait l’air, elle portait les vêtements comme peu les ont portés. Elle n’était pas évidemment la seule à être une très grande mannequin mais elle était une des rares… Je pense dire des jolies choses sur elle, c’est la seule chose, malheureusement, que je puisse faire.
Public.fr : Vous ne projetez pas d’écrire un nouveau livre sur elle ?
Sylvia Deutsch : Je crois que tout a été dit sur elle. J’espère que des gens ne vont pas exploiter ce filon pour parler de meurtre ou de Dieu sait quoi. C’est un tragique accident. Ce livre est malheureusement devenu un testament, une mémoire alors que je n’avais imaginé que Katoucha puisse disparaître. Ce livre a une histoire. Il a d’abord été écrit à la troisième personne du singulier parce qu’elle était musulmane et qu’elle voulait respecter sa religion. Puis, on l’a écrit à la première personne du singulier. Puis, elle ne voulait pas parler de l’excision, puis, elle a accepté de le faire. C’était très courageux de sa part. Je pense que tout a été dit. J’ai d’autres livres en perspective. Peut-être écrire un très bel article sur elle, mais pas plus. C’était son livre. Il faut qu’il reste unique et comme étant le sien.
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