Il voulait peut-être faire une boutade. Et dans la grande salle du Palais des Congrès du Méridien Président, sa phrase a fait mouche en faisant rire l’assistance. Il, c’est le Président Abdoulaye Wade. La phrase : «En tout cas, je ne mangerais plus de poulets.» Mais, les éleveurs qui l’ont entendu ont dû rire jaune. Car, cette phrase simple a toute son importance dans le contexte d’un pays où l’élevage de volaille est devenue quasiment un moyen de lutte contre la pauvreté dans les centres urbains comme dans les villages. Au moment où la filière avicole du Sénégal se barricade pour, d’abord, interdire les importations, et ensuite lutter contre une grippe aviaire qui n’a pas encore mis les pieds sur son territoire.
La preuve de cette préoccupation en est d’ailleurs le besoin qu’il a ressenti de convoquer cette réunion ministérielle à Dakar. Au cours de laquelle, lui, le Président, demande aux experts présents à cette rencontre de réfléchir sur comment indemniser un éleveur qui a vu tout son élevage décimé par cette maladie.
Par cette phrase, le président de la République prend le risque de mettre à genoux une filière déjà à l’agonie du fait de la panique suscitée par cette maladie. Au Sénégal, comme ailleurs dans le monde, le chef sert d’exemple et de guide. Ses actions et ses décisions engagent et orientent la vie de la Nation. On peut, sans beaucoup se tromper, croire que de nombreuses personnes vont imiter le président de la République. Paradoxe de quelqu’un qui a voulu justement donner un coup de fouet à cette filière à travers son Programme national maïs. Que des centaines de milliers de personnes décident de ne plus manger du poulet local, alors que la maladie n’est pas encore là, c’est tout simplement la mort programmée de la filière avicole qui fait vivre des milliers de personnes. Le poulet local risque de ne plus trouver acheteur.
Cela au moment où le Président français Jacques Chirac veut plutôt encourager ses compatriotes à ne pas se détourner de la production locale française, malgré la présence avérée de cette maladie. Me Wade voudrait favoriser les importations étrangères, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Si les éleveurs étaient assez puissants, ils devaient agir avec lui comme les producteurs américains de blé, en 1990, l’avaient fait avec le Président George Bush père, qui avait osé affirmer ne pas aimer les brocolis. Ils l’ont obligé à se rétracter en public et à la télé. En lui faisant manger du brocolis en direct. On espère qu’au Sénégal, on n’en n’arrivera pas là.
0 Commentaires
Participer à la Discussion