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Deuxième argument de forme : la coexistence de cette institution avec celle du Premier ministre. L’on sait que dans les théories constitutionnelles classiques, deux régimes existent : le régime présidentiel et le régime parlementaire. Le premier dont les Etats-Unis d’Amérique constituent le modèle-type, n’admet pas l’institution d’un Premier ministre. Dans ce régime, le président de la République qui incarne l’Exécutif a, en face de lui, un Parlement qui peut être bicaméral (Assemblée nationale et Sénat). Ce modèle ignore la mise en branle des mécanismes traditionnels : droit de dissolution, motion de censure, etc.
Le second, incarné par des pays comme l’Italie, le Royaume-Uni ou Israël, se singularise par un Premier ministre fort qui incarne le Parlement dont il est l’émanation et qui est responsable devant lui. Dans le régime parlementaire, le chef du gouvernement (Premier ministre ou Président du Conseil) exerce la réalité du pouvoir. Le chef de l’Etat (président de la République ou souverain) se contentant d’exercer une fonction honorifique (cas de la Reine d’Angleterre, par exemple). Chez nous, un tel schéma d’exercice du pouvoir a existé au lendemain de l’indépendance avec la cohabitation entre Léopold Senghor (chef de l’Etat) et Mamadou Dia (chef du gouvernement), avant de faire place nette à un régime hyper-présidentiel.
Dans la pratique institutionnelle, des régimes hybrides, avatars des deux, ont vu le jour. Il s’agit de ce que l’on appelle régime semi-parlementaire ou semi-présidentiel. Dans ces régimes ‘fourre-tout’, les mécanismes du régime parlementaire et ceux du régime présidentiel se juxtaposent (un chef de l’Etat élu au suffrage universel direct, un Premier ministre adossé à une majorité forte et l’existence de moyens de neutralisation réciproque entre l’Exécutif et le Parlement : motion de censure et droit de dissolution). Le Sénégal, depuis le lendemain de la crise de 1962, s’est inscrit dans le lot de ces régimes hybrides parce qu’inclassables. Mais, jusqu’à un certain niveau, c’était dans l’ordre du tolérable. Avec la validation parlementaire, aujourd’hui, de la vice-présidence, le Sénégal instrumente un modèle unique du genre dans les démocraties : un président de la République, un Premier ministre, un vice-président et un Parlement bicaméral.
Il est presque utopique de penser, une fraction de seconde, que le texte va être rejeté. Mais son inconstitutionnalité qui ne souffre d’aucune équivoque, devrait amener les députés à prendre leurs responsabilités pour saisir le Conseil constitutionnel. Dans beaucoup de pays, quand une femme est enceinte d’un bébé atteint de malformation, il lui est permis de pratiquer une Interruption volontaire de grossesse (Ivg). Face au monstre institutionnel qu’est la vice-présidence de la République, une interruption de la procédure parlementaire s’impose. Parce que laisser passer, dans notre ordonnancement institutionnel, cette hydre à quatre têtes relève d’un déni qui fera de notre pays une République bananière.
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