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Toutefois, compte tenu de la tournure que prend le débat né dans l’opinion publique depuis l’annonce de ce projet de loi, il n’est pas superflu de se poser la question de savoir s’il existe ou pas une autorité à équidistance entre les différents acteurs et capable, au-delà du débat politicien, d’arbitrer ce conflit qui est dans l’impasse. D’autant que les avis des participants à la rédaction de l’article en cause, les travaux préparatoires et autres éléments plus ou moins proches de l’environnement général de la nouvelle Constitution n’ont été d’aucun impact sur les velléités de réforme du pouvoir puisque la commission technique compétente de l’Assemblée nationale a déjà été saisie du texte.
Professeur de droit public et un des rédacteurs de la Constitution de 2001, Babacar Guèye pense que deux voies existent. La première qui est, en pratique, la plus utile de par sa portée, est celle de la saisine du Conseil constitutionnel. Dans cette hypothèse, il s’agit d’amener les 5 sages du conseil à interpréter l’article en cause pour savoir si oui ou non l’alinéa qui dit que ‘cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire’ s’applique à la durée du mandat du président de la République ou au nombre de fois pour lesquelles ce mandat peut être renouvelé ou les deux à la fois. En l’espèce, il s’agira pour le conseil de se livrer d’abord à une approche psychologique tendant à sonder la volonté du Constituant, ensuite à l’ambiance qui prévalait à l’époque, les travaux préparatoires et, éventuellement, solliciter l’avis de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont eu à participer à la rédaction de cet article, objet de tant de spéculations. A ce premier niveau, se pose la question de savoir qui est habilité à saisir le Conseil constitutionnel. Pour cette voie, les procédures classiques sont les seules valables : le président de la République ou un dixième des membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Cette saisine est enserrée dans un délai bien défini.
L’autre voie qui s’offre, selon le spécialiste, est celle de l’exception d’inconstitutionnalité. Ici, la procédure est beaucoup plus complexe ; il s'agit d'un recours défensif, c'est-à-dire que celui qui soulève l'exception d'inconstitutionnalité veut se protéger contre l'application de la loi constitutionnelle ; la personne se trouve dans le cadre d'un procès où cette loi peut lui être préjudiciable ; la loi peut être suspendue pour cette affaire, mais elle ne sera pas pour autant annulée.
Le droit positif sénégalais n’autorise que ces deux voies. Mais une volonté réelle de dépassionner ce débat qui est sorti des cadres techniques pour épouser des contours citoyens, incline à l’utilisation du premier mécanisme. Cela, du fait de son caractère hautement préventif.
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