“Le français est une langue de gentillesse et d’honnêteté” disait Senghor.”
Dur d’y croire…Cette langue que nous pratiquons avec toutes sortes de fortunes peut s’avérer fort discriminatoire. Jugez-en !
Le mot chaumière désigne, en France, la demeure en toit de chaume alors que chez nous le même type d’habitat prenait le nom de case, emprunt déformé de la casa espagnole qui signifie maison.
Pourquoi agriculteur là-bas, cultivateur sous nos cieux ? N’exercent-ils pas fondamentalement les mêmes activités ? Ces questions m’agacent lorsque je songe au tirailleur sénégalais faisandé à la place du soldat français. C’est miracle que « cultivailleur » n’ait pas été forgé pour nous. Autre exemple discriminatoire: de l’inconnu ou du coquin lynché a mort, le vocabulaire l’appelle « cadavre ». Même terme méprisant pour designer le chien écrasé par un « car rapide » effréné. S’agit-il de l’épicier voisin, du commis des PTTT ou d’un instituteur qui vient de trépasser ? Il sera derechef un « corps » dont la levée est annoncée, par voie de presse, aux parents et amis. Montons en grade…Général De Gaulle s’en est allé, suivi par Houphouët Boigny. En raison sans doute de leur rang, les voila, ipso facto, « dépouille mortelle ». L’une gisant à Yamoussoukro la Basilique, l’autre à Colombey-les deux Eglises.
Qui a déjà entendu parler de la dépouille mortelle d’un vagabond ? La langue anglaise ne fait pas tant de chichis. Tout mort devient « body ». Qu’il s’agisse de Lincoln ou du voyou des bas quartiers.
Langue de gentillesse et d’honnêteté ? Le Français, mauvais caractère qui naguère jetait le potage à la figure de son convive, s’initie désormais aux bonnes manières en adoucissant les mots qui pendant longtemps désignaient les paumés et laissés pour compte de plus en plus nombreux sur notre bonne vieille Terre. Le sourd est devenu tout juste « mal entendant » dont on n’a fini de s’amuser avec des gestes entendus. De même, plus de grimaces et pieds de nez à l’aveugle, aujourd’hui, « déficient visuel ». Etes-vous manchot, bancal ou cul de jatte, vous redevenez un être entier sauf que de « mobilité réduite ». Les nains « short people » que d’incultes enfoirés égorgent puis enterrent en guise de sacrifices aux démons Célébrité et Richesse sont redimensionnés à « personnes de petite taille ».
Par contre, la bonne vieille chaud-de pisse, la syphilis et autres blenno que les adolescents de l’époque Jerk ou Cha Cha Cha s’avouaient d’un air gaillard ne sont plus que de stupides « maladies sexuellement transmissibles » aussi passagères que le rhume des foins ou la rougeole de n’importe quel puceau.
On en arrive aux « handicapés sociaux » communément appelés les fous, tocards, barjots et autres cinglés de l’espèce « farba senghorâne » qu’aucun vocable ne pourrait supplanter. Pour la simple raison que crétin et imbécile résistent à toute évolution.
Amadou Gueye Ngom
Critique social
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