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La mise au point faite par le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, le week-end dernier lors d’une tournée dans la région de Fatick, ne suffit apparemment pas. «Farba Senghor ne peut pas engager le gouvernement, car il n’est pas ministre, et on ne peut engager le gouvernement que quand on a des attributs. Il n’a aucun attribut officiel ; par conséquent, il ne peut pas parler au nom du gouvernement», éructait alors le chef du gouvernement contre l’ancien ministre de la Solidarité nationale puis des Transports aériens, aujourd’hui chargé des opérations de vente des cartes du Pdsl. La semaine dernière, il y a eu une secousse tellurique de l’opinion quand Farba Senghor avait révélé être le bailleur de fonds de certains responsables du Mouvement des forces démocratiques de Casamance afin de prouver sa «crédibilité» en tant que négociateur dans le lourd et tragique dossier de la rébellion au sud du Sénégal. Le Premier ministre et Farba Senghor, qui se «détestent» cordialement, sont pourtant tous originaires du même terroir. Guinguinéo dont Me Souleymane Ndéné Ndiaye est le maire polarise de nombreux villages dont Nguelou, le village natal de l’ancien coursier de la première dame, Mme Viviane Wade, au temps des années d’opposition et des vaches maigres.
Premiers ministres ou
sous-fifres ?
S’il est admis que les sorties malheureuses de
Farba Senghor sur un sujet qui agace au plus haut point la hiérarchie
militaire, la troupe et les familles des victimes du conflit sont le
fait d’un homme qui ne saisit pas toujours la portée de ses
déclarations, cette situation d’un Premier ministre fragilisé par les
bravades d’un «frère» de parti qui met en avant sa proximité avec la
famille présidentielle pour se justifier n’étonne point dans le
système-Wade. Il n’est pas dans la nature du régime présidentiel voulu
par Me Wade de laisser prospérer les initiatives d’un chef de
gouvernement potentiel présidentiable. Tous les Premiers ministres sous
l’alternance, sauf Mme Mame Madior Boye et Cheikh Haguibou Soumaré (non
politiques qui ont tous demandé à être déchargés de leur fonction pour
respectivement chagrin moral consécutif au drame du Joola et raisons de
santé), ont subi les piques sournoises du palais. Tous, sans exception.
Moustapha Niasse, au bout de onze mois de compagnonnage avec le «héros»
du 19 mars 2000, sera limogé car il n’avait pas compris que «c’est moi
seul que le peuple a élu», ainsi que le rappelait récemment le vieux
chef d’Etat. Idrissa Seck, accusé d’entretenir une «dualité» au sommet
de l’Etat, puis accusé de détournements de deniers publics dans
l’affaire des chantiers de Thiès, atteinte à la sûreté de l’Etat, puis
de sortie irrégulière de correspondances depuis la prison, atteindra le
fond de l’inimitié avec la famille Wade, avant de revenir «dans la
famille libérale», après la présidentielle de 2007 où il est arrivé en
seconde position.
Le diable sort de sa boîte
Macky
Sall subira le même sort, à la différence près qu’il a été «coupable»
d’avoir voulu traduire l’ancien président du Conseil de surveillance de
l’Anoci, Karim Wade, pour qu’il s’explique devant l’Assemblée nationale,
alors que le scandale de la gestion des fonds alloués à la préparation
et l’organisation du sommet de l’Oci faisait rage. Ayant refusé de
démissionner malgré les demandes pressantes du président de la
République, se disant juste victime d’un caprice de Me Wade, il finira
par quitter le Pds ; aujourd’hui, il est arrimé à «Benno Siggil
Senegaal» et a déjà entamé sa campagne électorale en vue de 2012. Le
trait commun à toutes ces tragi-comédies : la présence du «fou du roi»,
Farba Senghor, pour jouer le rôle du procureur contre tout impénitent
qui oserait remettre en cause la sacralité des desiderata de Me Wade… Et
il ne se prive pas : déjections contre le mur du domicile d’Idrissa
Seck, campagne de presse sans précédent contre Macky Sall grâce à sa
«presse», et, aujourd’hui, remise en cause du leadership de Souleymane
Ndéné Ndiaye. Farba Senghor est monté en grade à la faveur de la
disgrâce d’Idrissa Seck qui avait eu le malheur de déclarer que
«l’élément hors du commun» n’avait aucune compétence pour occuper un
portefeuille ministériel ; pour montrer qu’il pouvait nommer «qui il
voulait», Me Wade nomme le secrétaire chargé de la propagande du Pds au
gouvernement. Le diable était sorti de sa boîte.
Le «hors-normes» en roue libre
«Je
ne suis ni Idrissa Seck, ni Macky Sall », avait un jour lancé en
public, dans le salon d’honneur de l’aéroport LSS de Dakar, Souleymane
Ndéné Ndiaye à l’endroit de celui qui met (presque) tout le monde mal à
l’aise, tant ses sorties sont malencontreuses, inutiles et aux effets
négatifs sur l’image de la majorité présidentielle. Pas un seul geste de
soutien public n’est venu du président de la République pour soutenir
son Premier ministre ; comme l’a soutenu «Le Quotidien» dans son édition
d’hier, dans une démocratie normale, le Premier ministre aurait posé la
question de la confiance à l’Assemblée nationale. Mais sous Wade, on en
est arrivé à une situation où les mécanismes institutionnels sont
lestés par le hors-normes en toutes circonstances. Il est avéré que le
président de la République est «travaillé» par des membres de son
entourage pour qu’il mette fin aux fonctions du chef du gouvernement.
Seulement, chat échaudé craint l’eau froide. L’expérience née de
«l’affaire Macky Sall» est encore fraîche dans la mémoire de certains
proches du vieux. En clair, humilier Souleymane Ndéné Ndiaye serait
faire courir le risque de rompre la dynamique de retrouvailles de la
famille libérale claironnée au moment du lancement du Pdsl. Le niet
catégorique de Macky Sall à toute idée de retour dans le giron wadiste,
sa campagne électorale lors des élections locales du 22 mars 2009 et son
ancrage dans «Benno» pour rafler plusieurs grandes villes lors de ce
scrutin résonnent encore. Alors, et si Farba Senghor renforçait, sans le
savoir, la position du Premier ministre ?
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