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Il était rare de constater autant d’irrégularités en un seul scrutin. Transferts d’électeurs, bulletins photocopiés, poursuite du vote au-delà des horaires légaux, annonces de résultats provisoires non validés par l’instance compétente, avec la complicité d’une certaine presse: même la dernière présidentielle de 2012, que beaucoup d’observateurs suspectaient le sortant Abdoulaye Wade de «voler», n’avait pas fait polémique autant.Et il y a un dénominateur commun à toutes ces anomalies : l’immixtion de la famille dans les affaires de l’Etat. De la belle-famille.
Ces élections locales du 29 juin dernier, auront été révélatrices des ambitions subites d’un clan, d’une famille dont les Sénégalais découvrent l’omniprésence, depuis l’arrivée au pouvoir du successeur d’Abdoulaye Wade. On parle moins du président Macky Sall muré dans un silence, on épilogue plus sur ses proches qui font leur intrusion dans l’espace politique, s’imposent dans les listes électorales et battent campagne avec des moyens immenses (de l’Etat ?) à l’origine licite douteuse. Cela, Moustapha Niasse ne le dénoncera pas…
Des frères du Président, on passe aux beaux-frères, aux nièces, oncles et cousins, éloignés ou proches, qui ont estimé tous, que les électeurs sénégalais qui ont porté Macky Sall au pouvoir, leur devaient à chacun, un mandat d’élu local. Là où la présence de Karim Wade était décriée, ici, nous avons en face toute une tribu, tout un clan qui envahit l’espace politique pour reprendre les termes d’un ancien Premier ministre. Et cela n’a aucunement l’air d’ébranler le président de la République, étant donné que c’est sa propre coalition, Benno Bokk Yakaar qui a investi ses frères et beaux-frères en bonne position sur ses listes devant leur garantir une élection, leur permettre, aujourd’hui, d’accéder au pouvoir.
Un pouvoir qui fait dans l’immobilisme, un gouvernement qui recycle et fait du surplace depuis deux ans, sans agenda ni feuille de route claire et précise. On prend les mêmes et on recommence ! Et c’est reparti pour une nouvelle partie de ce jeu insipide, qui consiste à virer un Premier ministre pour en nommer un nouveau. On en profite aussi, pour introduire des membres du clan, le frère de la Première Dame qu’on a d’abord réussi à déclarer ‘vainqueur’ du scrutin local à Saint-Louis, au sortir d'une élection polémique qui empeste le coup de force. Cerise sur le mille-feuille, un portefeuille ministériel au soir du remaniement. Qui dit mieux?
Mais l’on peut deviner aisément, que le président de la République manque d’autorité : il n’a pas eu assez de poigne pour s'imposer et s’opposer à l’entrée de son beau-frère dans le gouvernement. Aurait-il décidé de son propre chef de le nommer ministre, ce qui parait peu probable, l’on comprendrait aisément qu’il n’aurait pas retenu la leçon des élections locales de 2009, de la dévolution monarchique du pouvoir que lui-même, avec une bonne frange de la classe politique aujourd’hui avec lui au pouvoir, avait théorisée.
Cheveu sur la soupe. On peut poursuivre le jeu de chaises musicales autant de fois que cela amusera l’exécutif, cela ne changera rien au quotidien des Sénégalais qui, pour sanctionner l’immixtion de la famille dans les affaires de l’Etat, doivent regretter d'avoir confié leur destin à un intérimaire, un conducteur d’un train dont la locomotive, engagée sur une voie sans issue, peine à sortir de la gare.
Avant-hier Abdoul, hier Mimi, aujourd’hui Abdallah : demain, s’il y a quelqu’un à virer, ce n’est sans doute pas le chef du gouvernement, mais celui qui le nomme.