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Entre La Havane et le Sénégal, il y a la démocratie et la dictature à quelques exceptions près. Et de la prison de Guantánamo, à la capitale sénégalaise, il y a l’océan Atlantique. Aussi creux qu’un fossé qui dénote de l’incongruité de la décision des autorités sénégalaises, d’offrir l’asile politique à deux ex-détenus libyens, terroristes présumés, décrits comme des hommes dangereux et présentés comme des experts en explosifs pour avoir fait leurs preuves en Afghanistan et ailleurs.
Des experts en explosifs débarquent à Dakar
En effet. Leur arrestation suivie de leur transfèrement à la prison de Guantánamo, dans l’année 2002, n’est nullement synonyme de leur culpabilité qu’un tribunal n’a pas encore établie. Ils restent donc présumés innocents des accusations qui pèsent sur leurs personnes. Mais cette innocence présumée est loin d’être convaincante pour constituer le soubassement de cette décision très controversée de l’Etat du Sénégal au plus haut niveau, de soi-disant répondre à une sollicitation exprimée par le pays de l’Oncle Sam.
Or, si un Etat quelconque devait offrir l’asile politique et des perspectives de réinsertion sociale à ces ex-détenus, ce ne devrait en aucun cas être le Sénégal avec qui ces individus n’ont aucun lien, ni culturel ni social. Ils ne parlent pas la langue et auront beaucoup de mal à se fondre dans la masse. Soumis au lynchage médiatique déjà, après que leurs photos ont fait les couvertures des médias et de la presse nationale. L’on pourrait se demander donc, quel lien existerait entre ces nouveaux hôtes de la capitale sénégalaise et leur terre d’accueil, si ce n’est une religion qu’ils ont en commun, mais dont la pratique diffère et contraste à tout point de vue. Mais ce n’est pas le plus important. Est-il nécessaire de rappeler que les autorités de Dakar, nouvellement animées d’un sentiment altruiste, adoptent ici une position tout à fait en contradiction avec celle défendue, par le chef de l’État, sur la question du terrorisme.
Un humanisme à double vitesse
L’humanisme, version Macky Sall, consisterait donc à dérouler le tapis rouge à deux ex-détenus transférés de la (ex) prison cubaine qui ne répond pas aux normes internationales en termes de respect des droits de la personne humaine. Sur les deux Libyens pèsent de graves accusations liées au terrorisme islamiste. Alors qu’au Sénégal, ces mêmes accusations ont constitué un motif suffisant pour faire emprisonner un certain Imam Ndao, ex-vedette de la Maison d’arrêt de Rebeuss, transféré à la prison de Saint-Louis, dans le souci de prévenir, selon l’administration pénitentiaire, l’effet d’une contamination à grande échelle comme en France où le milieu carcéral est présenté comme le lieu de recrutement favori des entreprises djihadistes. Imam Ndao au moins, n’est pas allé combattre en Afghanistan. Et personne ne l’a vu manier des explosifs, au Sénégal ou ailleurs...
Dakar traque ses djihadistes et importe des terroristes présumés
Analysées sous cet angle, les accusations qui pèsent sur les deux Libyens de Guantánamo sont sans doute moins « graves » que celles qui ont envoyé en prison un enseignant de Kolda, Ibrahima Sèye qui a traité le président Macky Sall de mécréant, ce qui reste après tout, l’expression d’une opinion. Or, en démocratie, exprimer une opinion n’est pas passible d’emprisonnement. Alors, à quoi bon envoyer des Libyens s’installer à Dakar où l’expression de la liberté d’opinion reste problématique du moins sur la question du terrorisme ? La question taraude et fâche à la fois et les autorités ont du mal à justifier une décision présentée comme une urgence nécessaire à la bonne marche du monde, mais qui peut s’avérer lourde de conséquences pour le pays hôte.
Présomption d’innocence pour les étrangers, culpabilité présumée pour les nationaux
Enfin, si ces terroristes présumés sont ausi irréprochables que veulent le faire croire les autorités de l’État, pourquoi les États-Unis ne les accueillent pas via leurs divers programmes d’intégration ou d’immigration ? L’oncle Sam devrait-il se montrer plus méfiant que Dakar ? Pourquoi le président Macky n’a-t-il pas pris son courage à deux mains et décliné de manière diplomatique ce qui est présenté comme une sollicitation formulée par le président Obama ? Où est le courage politique lorsque Dakar en est réduit à recycler, contrainte ou par faiblesse, la poubelle de l’Oncle Sam ? Y aurait-il eu une contrepartie financière après l’acceptation par le Sénégal de cette patate chaude de Washington et quelles sont les clauses de ce contrat ? L’État du Sénégal, sur ce point précis, reste contradictoire. Dakar ne peut pas déclencher d’une part la traque de présumés terroristes sur son propre territoire, arrêtés, emprisonnés et restés sans procès, et d’autre part, importer depuis l’étranger, des terroristes présumés qui ont toute leur place dans leur pays d’origine et qui ont toutes les qualifications et l’expérience requises pour faire exploser de bombes.
Par conséquent, en acceptant d’accueillir sur son territoire des personnes aux profils et aux parcours aussi critiques du fait de leur relation avérée avec des entreprises terroristes à l’étranger, le Sénégal, le président Macky Sall en particulier, devrait alors décider de la libération immédiate de toutes les personnes hommes et femmes arrêtés et emprisonnés pour apologie du terrorisme présumé. Autrement, on accepte à des étrangers, ce qu’on refuse à des nationaux qui devraient pouvoir bénéficier de la présomption d’innocents au même titre que les nouveaux hôtes de Dakar. Welcome to Sene-Guantanamo, le pays qui recycle les djihadistes, par humanisme !
5 Commentaires
Patriote Késsé
En Avril, 2016 (15:48 PM)Anonyme
En Avril, 2016 (15:58 PM)Anonyme
En Avril, 2016 (17:25 PM)Anonyme
En Avril, 2016 (18:29 PM)Anonyme
En Avril, 2016 (20:02 PM)Participer à la Discussion